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Economie Démocratique Active

S-EDA Page 24-27 : Une éthique pour l'Avenir démocratique

Rédigé par Gebel de Gebhardt Stéphane Publié dans #Essai

S-EDA Page 24-27 : Une éthique pour l'Avenir démocratique

    Petit rappel : la démocratie est le régime politique dans lequel le peuple est souverain. Selon la célèbre formule d'Abraham Lincoln (16e président des États-Unis de 1860 à 1865), la démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », c'est l'une des définitions canoniques couramment reprises, ainsi qu'en témoigne, par son introduction, la Constitution de 1958 de la Cinquième République française.

     Aujourd’hui nous naviguons sur le ruisseau de la démocratie indirecte dîtes démocratie représentative. Comme expliqué nous élisons les représentants du peuple, pour le peuple, et par conséquent nous leur conférons l’intégralité de notre pouvoir politique. Un simple bulletin nous défait de ce pouvoir pas plus épais que le papier qui le compose. De plus, durant son mandant, l’élu ne fera qu’exécuter les idées de son parti. Ainsi vous avez voté pour des idées qui ne sont pas vraiment les vôtres…

     Notre éthique n’est pas une critique de la démocratie représentative ni un jugement de ses valeurs mais elle considère que le citoyen est plus qu’un bulletin de vote et que ses idées ne sont que peu représentées. Comme vous le découvrirez dans cet essai il ne s’agit d’inventer une nouvelle forme de démocratie politique, je n’en ai ni le talent ni les connaissances mais d’évoquer une démocratie interagissant au sein d’une économie commerciale. Ainsi il ne s’agira pas de voter des lois comme dans un parlement mais de voter pour des projets dit « fondateurs » regroupés au sein d’une plateforme. Pour ce faire nous avons besoin de vrais citoyens, de gens responsables et volontaires, courtois, possédant les qualités citées dans l’éthique de l’avenir économique telles que la sagesse et l’envie de fonder sereinement un monde plus juste.

     Tocqueville voit la démocratie tout autant comme un régime politique que comme un régime « éthique », une manière d’être, de penser et de se comporter. C’est aussi se donner le goût de « soi » et lui permettre de concevoir l’exercice de la citoyenneté comme un attribut essentiel de sa personnalité.

     Notre éthique de l’avenir démocratique se conçoit comme une façon de faire le lien entre l’économie et la démocratie, l’Homo oeconomicus sapis endossant l’habit d’Homo democraticus. Et un tel habit se porte large, n’admet pas le rapiéçage individualiste, permet de dépasser sa propre condition, d’envisager l’infini au-delà de sa finitude, de tracer le chemin qui le mène à la postérité, au panthéon de la reconnaissance désintéressée. Mais ce chemin ne peut se faire seul. La démocratie étant par définition « le pouvoir du peuple » il s’agira pour une vraie démocratie de redonner voix aux sans voix. Ainsi, de par cet exercice, l’Homo democraticus développera une autonomie confisquée par son extinction…de voix. 

     Pour Amartya Sen, la conception de la démocratie avancée dépend de la capacité ou liberté réelle de chaque membre de la collectivité d’exprimer son point de vue et de le faire entendre dans le cadre de la discussion démocratique. Ainsi guérit de son extinction de voix l’organisation démocratique qui en jaillira deviendra elle-même une condition d’efficacité économique. Durkheim prône d’ailleurs la mise en place de "groupes secondaires" (territoriaux ou corporatifs) qui agiraient en tant qu'intermédiaires entre la population et l'État de manière à empêcher à la multitude d'imposer sa volonté à l'État tout en la protégeant contre l'attitude oppressive de ce dernier. Il s'agirait finalement d’établir le plus de communication possible entre l'État et la société civile afin de s'assurer que chacun des groupes qui la compose soit reconnu et représenté.

     Loin de s'opposer aux fondements de la représentation, la démocratie économique se présente comme une forme complémentaire de partage des décisions, conservant l'importance de l'élu mais associant plus largement et plus directement les citoyens à l'élaboration de l'intérêt général. Pour parvenir à un tel résultat le citoyen sera confronté au développement de ses capacités et de son autonomie afin de donner plus de force à la voix de la raison.

     La démocratie économique étant « c’est que pouvons-nous faire ensemble » afin de revitaliser la citoyenneté, elle pourrait susciter des vocations, des volontés sous-employées, orienter les citoyens vers la recherche d’informations afin de rendre concret des décisions sur des problèmes eux-mêmes concrets, tout cela dans un esprit de solidarité, de responsabilité. Cette façon de faire pourrait régénérer le civisme par le sentiment de se réapproprier la société dans laquelle chacun aurait participé. Lao Tseu disait que c’est la justesse, la justice, la cohérence, l’authenticité qui fait la légitimité d’une société. Les individus n’aspirent à rien d’autre que de s’engager dans des activités qui ont du sens s’ils savent qu’en retour qu’ils ne seront pas exploités ou manipulés à des fins d’intérêts personnels. Même s'il s’agit essentiellement d’un espoir placé dans ce que nous sommes, un espoir au nom duquel on peut penser que si les structures sociales se transforment suffisamment, ces aspects de la nature humaine auront la possibilité de se manifester sur le long terme. »

     Comme je l’ai aussi précisé dans l’éthique de l’Avenir économique celle de la démocratie se fonde sur la parole juste, le dialogue juste, c’est avoir les idées du Vrai, de l’authentique. Selon Platon il faut une certaine sagesse et un certain savoir – plus précisément, avoir accédé à la connaissance des Idées du Vrai, du Juste et du Bien – pour participer à l’édification de l’intérêt général. Il précise : « les simples citoyens, ignorant de la Vérité et réfléchissant surtout en fonction de leurs intérêts particuliers, ne sauraient diriger à bien la cité, et par conséquent le pouvoir du peuple ne peut que conduire celle-ci vers la corruption ». Comme je l’ai précisé au chapitre « la démocratie actuelle » la question de la corruption n’est pas une question du corps politique ou électoral mais ressort d’une question de personnalité. De plus la corruption n’est possible que par les mouvements opaques du moyen d’échange Argent. Dans le cadre de l’Avenir démocratique, au-delà de parler Vrai, il s’agira de ne pas se cacher derrière des pseudos et autres avatars mais bien d’affirmer sa véritable identité afin d’appuyer chacune de ses déclarations et d’en assumer la responsabilité. Ainsi, ce caractère « sans concession » de la transparence  sera le véritable garant de la « qualité » démocratique au sein de l’EDA. La ruse, la langue de bois, le parler faux pour guise de parler vrai, le mensonge pour guise de vérité, la revendication de la transparence pour mieux transformer en dupes les citoyens devront être bannis.

    Comme citée dans l’éthique de l’avenir économique la démocratie se soit d’être un lieu où les citoyens engagés dans la politique d’un monde meilleur échangeraient sur des sujets d’intérêts généraux et ainsi s’éveilleraient à la conscience du bien commun. Reliés ils créeraient les conditions de l’émancipation personnelle et celles de la relation à l’autre. Aristote reconnaît à la démocratie un certain nombre d'avantages, notamment celui reposant sur l'idée que le rassemblement d'un grand nombre d'individus permet en quelque-sorte d'additionner leur qualités (« leur part d’excellence et de prudence », estimant que quand bien même « chacun y sera plus mauvais juge que les spécialistes, tous réunis soit seront meilleurs, soit ne seront pas plus mauvais ». Il ajoute à cela l'idée que le spécialiste n'est pas toujours le mieux placé pour juger d'un autre spécialiste, en donnant notamment l'exemple du festin, ou c'est le point de vue du convive et non du cuisinier qui conviendra pour juger de sa qualité.

    La réunification de toutes les forces sans distinction de race, de religion, de classes sociales, permettrait de taire le soi au profit du Nous, de l’ensemble et concevoir ce que doit être une société hors de tous points de vues oligarchiques. A son époque Alexis de Tocqueville considère l’éthique de la démocratie comme principalement caractérisée par la tendance à l'égalisation des conditions, celle-ci devant être comprise non pas tant comme une égalité réelle et stricte des conditions économiques et sociales, mais plutôt comme renvoyant à l'abolition des privilèges aristocratiques liés à la naissance et à la diminution des écarts de fortune, à l'égalité des droits, l'instabilité de la hiérarchie sociale, à la possibilité pour tous les citoyens de participer au pouvoir politique, ou encore à un nivellement culturel par la généralisation de l'accès à la culture et à l'éducation. La démocratie, et donc le mouvement historique vers cette égalité des conditions, est considérée par Tocqueville comme « universelle » et inéluctable, et à ce titre, comme « providentielle ».

    Pour autant, il croit pouvoir y déceler une certaine tendance contre laquelle il cherche à mettre en garde : le désir d'égalité qui imprègne les individus vivant en démocratie conduirait à consentir à une restriction de la liberté, et de manière générale à perdre le goût et l'esprit de la liberté. L'individu tendrait ainsi à se soumettre au groupe par l'effet de la centralisation des pouvoirs, l'essor du bien-être matériel ou encore le nivellement des hiérarchies sociales – la démocratie produisant ainsi un conformisme des opinions. Ainsi, Tocqueville craint une tyrannie de la majorité, l'individu tendant à abdiquer sa volonté personnelle au profit de l’État, et la majorité pouvant opprimer la minorité. Néanmoins, il s'agit là de risques qu'il serait possible de prévenir : l'égalité pourrait s'associer à la liberté grâce à une certaine décentralisation des pouvoirs administratifs, en d'autres termes par l'existence d'institutions intermédiaires (associations, town-meeting) par lesquelles les individus, pouvant directement participer à certaines décisions, seraient responsabilisés et entretiendraient ainsi un esprit de liberté. Pour conclure, la participation de chacun aux décisions est synonyme d’amélioration sans cesse et de réalisation de Soi. C’est exactement ce qui sera proposé dans le chapitre consacré aux outils de l’EDA ! Et, par ce biais, parvenir à la (re)naissance de soi dans une société capitaliste où la norme est de réussir sa vie sans condition de réalisation et qui pour la plupart des individus équivaut au fracassement de leur personnalité, séparant le sujet de son être réel, de son essence, de sa nature. Car, selon Cynthia Fleury, c’est une terrible chose de voir que la démocratie génère encore et toujours de l’amertume et de la haine de soi car l’état ne brise pas les volontés mais il les amollit, les plie, les dirige, les maintient dans l’infantilisme, l’empêchant d’atteindre un équilibre entre le souci de soi et celui des autres.

    Pourtant, sur un plan anthropologique, l’homme veut être reconnu non comme un bovidé, un ovidé ou un esclave mais bien comme un être humain. Cela démontre pour le mieux l’irresponsabilité et l’incapacité des Etats, mais aussi leur manque de volonté pour améliorer la condition des individus. Déplacer le centre de gravité du politique de l’Etat vers une pluralité d’acteurs, et la transformation qui en découle sont des conditions de production de la légitimité. Ainsi reconnu l’individu sera en mesure d’assumer ses actes, de prendre en charge sa parcelle de responsabilité qu’il avait auparavant laissé à l’état souverain. Du dilemme « je ne peux être libre que si je ne suis pas déterminé » ou « je ne suis libre que si je suis déterminé », Lévinas offre l’alternative « Je suis libre si je suis responsable ». Il y ajoute l’idée qu’étant infiniment responsable, chacun est condamné à une infinie liberté. Dans le temps de la relation au sein d’une EDA seul peut s’articuler la fragilité du rapport entre responsabilité et liberté. Entre moi et autrui. Autrui et moi. Cet « Après vous, Monsieur » qui scande la pensée de Lévinas fait de la politesse le début de l’humain et la responsabilité plus haute dont il nous parle est une responsabilité solidaire où l’on ne serait pas tenté, pour se déresponsabiliser, de dire « ce n’est pas moi », où la culpabilité ne serait pas le contraire de l’innocence, mais le sens aigu du retard que l’on prend sur le futur à faire lorsque l’on se contente de jouir de son présent…

    Notre éthique s’attachera donc à la responsabilité des propos des individus, à leur manière d’interagir entre eux, à ce respect, à ce vivre ensemble qui sera dans un premier virtuel, centralisé au sein de la Plateforme des Projets-Fondateurs démocratiques. Dans ce contexte les individus doivent reconnaître qu’il existe des points de vue différents du leur. Sans travail psychologique, les sentiments, les émotions peuvent échapper à tout contrôle, les idées de persécution, les accusations prendre le dessus. Le respect nécessite une forme de retenue. La retenue est une forme d’équilibre, un point d’équilibre, aussi éloigné de l’outrecuidance que du mépris de soi, et, parce qu’elle est cette équitable mesure, on peut à partir d’elle raisonner dans l’universel, instaurer le principe pratique d’un respect mutuel généralisé, un respect en tout état de cause absolument obligatoire pour mener à bien l’édification d’une société plus juste. Et du respect des autres découle le respect de soi car placer quelqu’un en deçà de la citoyenneté, c’est bloquer le processus d’une citoyenneté positive et réussie. En revanche dès lors qu’on peut construire une image de soi qui ne soit pas d’emblée pilonnée par les stratégies de vulgarisation par autrui, le respect de soi devient possible.

    Notre éthique de la démocratie institutionnalisera donc le respect en constituant des lignes directrices, un « code de bonne conduite », des règles. Le respect demande une lutte interne pour reconnaître la personne humaine chez les autres et en nous-mêmes. Ainsi, ceux qui n’ont rien à quoi se raccrocher devant l’échec de leur vie et qui en perdent toute estime pour eux-mêmes pourraient renaître en interagissant avec des individus respectueux.

    Notre éthique occupera ce terrain social déserté et devra enraciner le respect de soi dans une notion nouvelle, celle d’une citoyenneté ouverte, progressiste, utile, tirant un trait sur le tortueux passé. Pour parvenir à un tel changement de notre condition il est nécessaire de réformer notre vision des choses.  Mais si la Révolution semble s’imposer de façon extérieure, comme si l’évènement avait raison des hommes (voire presque de leur « raison »), la Réforme, elle, ne s’impose pas mais se construit délibérément : c’est la « raison » des hommes qui fait la « Réforme », quand la Révolution, elle, convoque d’abord la passion. En somme, une raison « froide » plutôt qu’une raison « ardente », dixit Cynthia Fleury. 

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