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Economie Démocratique Active

S-EDA Page 10/11 : Regards sur la Démocratie actuelle

Rédigé par Gebel de Gebhardt Stéphane

S-EDA Page 10/11 : Regards sur la Démocratie actuelle

     D’après la définition citée au début du précédent chapitre la démocratie est le régime politique dans lequel le peuple est souverain. Cependant, cette définition reste susceptible d'interprétations différentes, aussi bien quant à la signification concrète de la souveraineté populaire que pour son application pratique – ce qui apparaît clairement au regard de la diversité des régimes politiques qui se sont revendiqués et qui se revendiquent encore comme démocratie. Ainsi il n'existe pas de définition communément admise de ce qu'est ou doit être la démocratie.

     La république française s’organise autour de la démocratie représentative. Le maigre pouvoir politique de chaque citoyen est contenu dans une feuille de papier que l’on appelle bulletin de vote. Chaque individu vote donc pour des idées qui ont le goût des siennes mais qui ne sont pas les siennes (faut-il toutefois qu’elles soient inscrites dans les programmes des candidats d’où le vote blanc ou l’abstention !). Par cette affreuse carence les personnes élues ont tendance à ne pas être représentatives du corps électoral, tant au niveau des revenus, des classes sociales et des niveaux d'instruction. Par conséquent l'expression des minorités est inexistante, celle de toutes les classes hors du corps politique élu également. De ce fait très simple à comprendre l’Etat n’est pas démocratique mais représente une oligarchie, c’est-à-dire un petit groupe d’individus élus pour défendre uniquement leurs idées. Ne pouvant être révoqué par le peuple pour leurs erreurs de gestion ou leurs fautes professionnelles, cette oligarchie est comme un poisson dans l’eau, elle est libre de gérer la Cité sans jamais être inquiété. Ainsi, au lieu de s’occuper des affaires de ses habitants, elle s’occupe de ses propres affaires en toute impunité mais aussi celles des puissances financières. D’après Frans van der Hoff on peut comparer les régimes démocratiques actuels à des régimes ploutocratiques où ce sont les banques et les grandes sociétés industrielles et de communication qui contrôlent indirectement l’Etat. Pieds et poings liés, manipulé par des intérêts qui le dépassent, celui-ci ne peut effectuer des changements profonds sur des sujets majeurs comme la pauvreté ou le chômage, alors l’état bouche les fuites à la va-vite, multiplie les rustines qu’il sait par définition éphémères. Sous les coups de boutoirs de l’ultralibéralisme, la responsabilité de l’état est donc plus que limitée. Voilà pourquoi il est incapable d’imposer une économie plus sociale, plus équitable. Pourtant l’essence même de l’Etat n’est-elle pas de représenter toute la population démocratiquement, d’incarner une sorte d’association supérieur des intérêts de tous en même temps qu’une certaine forme de consensus ?

  Il est intéressant de revenir sur deux formes d’oligarchies : celle institutionnelles et les oligarchies de fait. Les oligarchies institutionnelles sont les régimes politiques dont les constitutions et les lois ne réservent le pouvoir qu'à une minorité de citoyens. Les oligarchies de fait sont les sociétés dont le gouvernement est constitutionnellement et démocratiquement ouvert à tous les citoyens mais où en fait ce pouvoir est confisqué par une petite partie de ceux-ci. Pourtant un gouvernement est dit démocratique par opposition aux systèmes monarchiques d'une part, où le pouvoir est détenu par un seul, et d'autre part aux systèmes oligarchiques. On peut aussi définir la démocratie par opposition à la dictature ou tyrannie, comme le propose Karl Popper, mettant ainsi l'accent sur les possibilités pour le peuple de contrôler ses dirigeants, et de les évincer sans devoir recourir à une révolution.

     L'idée de démocratie est centrale dans la philosophie et la pensée politique de Cornelius Castoriadis. Critique sévère des régimes représentatifs, qu'il considère comme des oligarchies au sein desquelles le peuple n'a aucun véritable pouvoir, il n'y a pour lui de démocratie que directe. Celle-ci, qu'il conçoit plus ou moins tel un synonyme du projet d'autonomie qu'il développe tout au long de son œuvre, doit selon lui être le régime de la liberté (individuelle et collective) et de l'égalité (politique et économique).

     L’un des défenseurs de la démocratie représentative est le fondateur de la sociologie Emile Durkheim. Toute société se doit, pour lui, d'être dirigée par une minorité consciente et réflective de la pensée irréfléchie de la masse. En ce sens, la démocratie est relative au niveau de conscience qu'a l'État de la société (par la communication qu'il entretient avec elle) et à l'étendue de la diffusion de cette conscience dans le corps social (les domaines de la société non reconnus ou ignorés par l'État étant par définition "inconscients" !). Ainsi, la pensée gouvernementale ne devrait pas se confondre avec la volonté des gouvernés : L'État n'est pas un résumé de la pensée populaire, mais bien un organe distinct qui surajoute à cette pensée instinctive une pensée plus médité. Au même titre que le système nerveux central pour l'organisme vivant, il relève de la plus haute concentration réflective du corps social et a le devoir de le diriger de manière la plus rationnelle possible (comprendre en ce sens la plus bénéfique pour l'ensemble). Si l'État est trop près de la multitude, il sera alors absorbé par elle et il sera impossible qu'elle ne fasse pas la loi. Au contraire, si l'État se détache trop de la population, la communication sera coupée et l'appareil gouvernemental agira essentiellement en tant qu’oppresseur. Durkheim prône donc la mise en place de "groupes secondaires" (territoriaux ou corporatifs) qui agiraient en tant qu'intermédiaires entre la population et l'État de manière à empêcher à la multitude d'imposer sa volonté à l'État tout en la protégeant contre l'attitude oppressive de ce dernier. Il s'agirait finalement d’établir le plus de communication possible entre l'État et la société afin de s'assurer que chacun des groupes qui la compose soient reconnus et représentés. La démocratie pourrait alors s'exercer de manière directe entre la population et ces groupes, ainsi qu'entre ces groupes et l'État, mais la relation entre la multitude des individus qui composent la société et l'État serait essentiellement indirect.

     Autre lointain défenseur le philosophe Platon. Il fut le premier à développer une analyse et théorie importante visant à dénoncer la démocratie, en l’occurrence la démocratie athénienne, au sein de laquelle il vécut. Sa critique ne vise donc pas à proprement parler ce qu'aujourd'hui nous avons coutume de désigner comme régime démocratique (régime représentatif et libéral). Son opposition au partage du pouvoir politique entre tous les citoyens s’appuie sur l'idée que pour gouverner, il faut une certaine sagesse et un certain savoir – plus précisément, avoir accédé à la connaissance des Idées du Vrai, du Juste et du Bien. Selon lui, les simples citoyens, ignorant de la Vérité et réfléchissant surtout en fonction de leurs intérêts particuliers, ne sauraient diriger à bien la cité, et par conséquent le pouvoir du peuple ne peut que conduire celle-ci vers la corruption. Il défend ainsi au contraire l'idée que seuls devraient gouverner des philosophes rois, ou des rois philosophes…

     Sans contredire les écrits de Platon la corruption touche autant le politique que le citoyen. C’est l’opacité du moyen d’échange qui engendre la corruption et non le statut occupé. Faibles devant la tentation beaucoup d’individus y succombent, l’argent étant la seule façon de se procurer un bien ou un service. Les nombreux scandales politiques sont là pour contredire ses écrits. Brassant des millions d’argent public le corps politique est le premier soumis à cette tentation. Ses liens étroits avec les lobbyistes ne font qu’accentuer les doutes à leur intégrité. Des mouvements citoyens comme Anticor sont là pour enquêter et dénoncer corruption, trafic d’influences et autres abus de biens publics. En ce qui concerne la « connaissance des Idées du Vrai, du Juste et du Bien » les moyens de communication d’aujourd’hui permettent aux citoyens d’acquérir cette connaissance. Englobant ce savoir ils sont les plus à même de définir le genre de société dans laquelle ils désirent vivre. Laisser le sort de celle-ci aux seules mains de l’oligarchie relève soit de l’abandon d’un monde dans lequel plus personne ne croit, soit de la croyance que rien ne peut changer. Cet abandon démocratique est sans doute causé par la complexification de l’état et sa législation où d’innombrables lois sont votées sans jamais être mises en application. Mais s’il y a abandon il y a aussi des attentes. Alors quelles sont-elles aujourd’hui ? Hormis espérer à la richesse, qu’attendent les citoyens ? Petit tour d’horizon au chapitre suivant.

 

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